lundi 18 avril 2011

X - LA PSYCHOLOGIE DU HAUT-FONCTIONNAIRE

Bon… l’ensemble de nos institutions sont donc corrompues et leur point commun, c’est le fonctionnaire. Apparemment Sarkozy est bien conscient que les Français veulent moins de fonctionnaires et surtout qu’ils veulent des fonctionnaires utiles et intègres. Il se fait donc élire sur cette promesse : "je ne renouvellerai pas un fonctionnaire sur deux partant à la retraite". Depuis qu'il est au pouvoir, que voyons-nous ? Il n'en a rien fait. Pire, le nombre de fonctionnaires a augmenté (voyez de nouveau le site Ifrap) ! On savait déjà que le fonctionnaire travaille mal et peu mais, la surprise, c’est qu’il semble inséparable de la corruption... On a vraiment l’impression que partout où le fonctionnaire s’installe, son environnement pourrit, une mafia se développe et une guerre se déclenche contre le privé sans motif réel et sérieux. Or, c’est le privé qui l’a mis à sa place pour qu’il soit à son « service » (public) ! C’est une bizarre révolte, larvée, un peu lâche, dépourvue de motif. Mais permanente et dure. Il y a une raison à cette attitude, qui s’apparente à un complexe d’infériorité, nous la verrons plus loin. Pour la comprendre, il faut d’abord remonter dans la chaîne de commandement.

Qui dirige les fonctionnaires ? Qui leur donne leurs mauvaises habitudes ou, du moins, qui les laisse s’exprimer sans contrainte ? Pas directement les politiques, ni les gouvernements, ni les présidents. On le sait depuis longtemps, ceux-là passent quand les administrations restent. Non, ce sont les hauts-fonctionnaires. Lesquels dépendent de « super-hauts fonctionnaires » : les énarques. Près de 80% des directeurs du ministère des Finances, 75% des directeurs des cabinets ministériels, et la présidence de la République sont aux mains d’énarques (selon l’Ifrap).

Ce sont eux qui, statutairement, chapeautent - souvent de pères en fils - les administrations, les collectivités locales et nos institutions. Bien entendu, ils copinent avec les présidents, eux-mêmes hauts-fonctionnaires, leurs frères de sang, tous unis par un objectif commun : garder le pouvoir. En France, ce sont eux qui détiennent le vrai pouvoir : s’ils ne veulent pas d’une réforme décidée par le gouvernement, ils ne l’exécuteront tout simplement pas. Evelyne Sullerot une féministe intelligente auteur de nombreux livres (dont le « Fait Féminin ») a raconté elle-même que des hauts fonctionnaires des Finances lui avaient déclaré ouvertement que si un gouvernement s’avisait d’adopter les mesures fiscales qu’elle proposait pour favoriser la famille, ils ne les mettraient pas en œuvre et que les responsables politiques n’y pourraient rien. Autre exemple : toutes les tentatives de réformes de l’Education Nationale, réclamées par le peuple mais progressivement vidées de leur sens par les institutions et administrations chargées de les exécuter…

Nous allons voir qu’il y a une parfaite homogénéité dans la psychologie de cette « caste » et qu’elle est forgée par leurs études et leur sélection par l’Etat.


Pour bien comprendre ce qui suit, il faut d’abord prendre conscience d'une chose étrange : en France, les études les plus prestigieuses, les plus longues et les plus difficiles mènent invariablement à ...la fonction publique (ou au parapublic) ! Pas au privé. Alors qu’ailleurs, c’est l’inverse. Autre chose : savez-vous qu'avant la 2ème guerre mondiale "l'Éducation Nationale » s'appelait "Instruction Publique », un nom logique, honnête et démocratique ? Quand elle est devenue « Education », ce fut l’aveu très clair de la volonté d'endoctrinement de nos têtes blondes par nos fonctionnaires. Comme s’ils prétendaient prétentieusement avoir quelque chose de supérieur à leur apprendre qu’ils ne trouveraient pas dans leur famille ! La suite a démontré que ce projet n’était pas un vain mot. Pour faire de parfaits commis de l’Etat, des animaux bêtes et disciplinés, il fallait avant tout sélectionner les élèves les plus malléables puis les passer à l’endoctrinement. Alors, on se retrouve entre copains et on peut leur confier une partie des manettes du pouvoir.
Un bon endoctrinement demande du temps. La 1ère étape obligatoire pour avoir le droit de devenir haut fonctionnaire, c’est le Bac. Et pas n’importe lequel : un bac généraliste avec une mention, pas un Bac Pro… Ce type de bac est très éloigné du concret et seuls les plus bosseurs, les « meilleurs » - les plus malléables en fait - peuvent l’obtenir avec mention. Déjà, à ce stade la sélection joue à plein : seuls ces « bachotteurs » seront admis pour la 2ème étape : les écoles préparatoires aux grandes écoles (pour hauts-fonctionnaires). Ensuite, ils passent à la troisième : les concours d’entrée aux grandes écoles. Ces concours écrèment encore les plus dociles, pardon… les « meilleurs », et ceux-là auront l’insigne honneur d’être admis dans le saint des saints : les grandes écoles dont voici la liste (source Wikipedia) :

2.     École polytechnique (ou l’X)
11.  corps des ingénieurs des Mines (créé en 1794) (fusionné en 2009 avec le corps des ingénieurs des Télécommunications)
15.  le corps de contrôle des assurances

Au total, vous l’aurez deviné, cela fait des études très longues… Trop longues. De l’ordre de 5 à 8 ans après le Bac. Une fois dans l’école, tout devient facile. Il n’y a plus qu’à se laisser endoctriner par des professeurs - fonctionnaires - tout acquis à la cause du toujours plus d’Etat. Gardons en mémoire que l’élève a déjà été endoctriné comme tous les autres pendant 12 ans, de la maternelle jusqu’au bac ! Et cela par les mêmes profs fonctionnaires, à 70 % de gauche (sondage CSA-Cisco de 2010), donc pour l’Etat et contre l’initiative privée ! Sur 24 ans de vie le futur haut-fonctionnaire a subi 20 ans d’endoctrinement, soit sur la totalité de sa vie consciente ! Parfois, l’élève est si malléable, l’entrée dans la vie active lui fait si peur, sa vie personnelle est si peu remplie, il aime tant être cocooné, qu’une fois sorti d’une école, eh ben… il entre dans une autre. Par exemple, Giscard faisant l’Ena après l’X. En France, ce sont les formations les plus courtes et les moins considérées (CAP, BTS, DTS, IUT, DEUST, petites écoles de commerce...) qui préparent aux métiers les plus difficiles : ceux du terrain, ceux qui réclament de l’initiative et de l’intelligence, ceux qui obligent à faire du bénéfice en produisant une valeur ajoutée, ceux de l’entreprise privée.
Finalement, il y a deux sortes de Français : ceux qui acceptent d’être endoctrinés, …et les autres. A la fin de leurs études, les premiers n’optent jamais pour le privé. Ils choisissent la carrière administrative ou, à la rigueur, entrent dans un grand groupe nationalisé, ex-nationalisé ou parapublic, à la rigueur dans une multinationale, des postes où l’on est éloigné du terrifiant monde réel. Les seconds, ce sont les Français responsables…

L’école d’aujourd’hui est un univers à la limite du tolérable pour nos enfants, mais aussi pour les profs et pour les parents. Les enfants (normaux) traînent les pieds pour y aller puis finissent, avec les années, par se résigner, abandonnant une partie de leur indépendance et de leur créativité. Pour ceux qui les aiment, c’est une trahison. Quant aux parents, l’Education nationale les oblige le soir, rentrant fatigués du boulot, à se muer en profs auprès de leurs enfants pour veiller à ce qu’ils fassent leurs devoirs ou préparent leurs examens, en somme pour pallier à l’inefficacité de l’enseignement de jour... Bien entendu, on vous dira qu’il existe des enfants dociles qui n’ont pas besoin de surveillance pour faire leur travail à la maison… Mais… la société en a-t-elle besoin ? Biens sûr, ces enfants sont agréables à élever pour leurs parents mais c’est anormal. La normalité, c’est des enfants vivants, contestataires, turbulents, pleins d’imagination, ceux qui vont à l’école ou au lycée à la française en traînant les pieds, qui s’installent au fond près du radiateur pour avoir une chance de rigoler ou de rêvasser pendant une journée de profond ennui... Aucun élève ne va en classe pour le goût d’apprendre ! Le docile y va pour revenir à la maison avec de bonnes notes, les autres pour rencontrer les copains.

Vous croyez que j’exagère ? Lisez le livre "On achève bien les écoliers", de Peter Gumbel, journaliste américain (devenu prof à Sciences Po !) qui a pratiqué les écoles anglo-saxonnes et françaises. Voilà une synthèse :
·         71 % des élèves en France sont régulièrement « sujets à de l’irritabilité ». 
·         63 % souffrent de nervosité. 
·         Un sur quatre a mal au ventre ou à la tête une fois par semaine. 
·         40 % se plaignent d’insomnies fréquentes. 
·         Plus de 50 % des élèves déclarent que leur professeur les aide « parfois » ou « jamais ».
·         57 % des élèves redoublent au moins une fois au cours de leur scolarité
·         Avec le premier budget de l'Etat, l’Education Nationale laisse sortir chaque année 130 000 jeunes sans diplôme ni qualification !
Pourquoi la France est-elle le seul pays au monde à décourager ses enfants au nom de ce qu’ils ne sont pas, plutôt qu’à les encourager en vertu de ce qu’ils sont ?

Selon Gumbel, les élèves français sont les champions du stress, causée par une évaluation toute axée sur la note et non sur leur épanouissement personnel. Les méthodes éducatives n’ont pas changé depuis 50 ans ! Le prof est toujours le patron de la classe et non son animateur. Les élèves sont toujours là pour écouter son discours et tenter de le mémoriser. Ils n'osent pas poser de questions de peur de paraître idiots. Les profs poussent les élèves au redoublement afin qu’ils deviennent capables de suivre les filières les plus prestigieuses – donc longues et théoriques - même s’ils ne sont pas faits pour ça, même s’ils préfèrent une entrée rapide dans la vie active. Les 1ers de classe sont adulés, les derniers méprisés et renforcés dans l'échec. Les profs eux-mêmes sont déresponsabilisés car obligés de suivre le programme "comme des ouvriers d'usine", sans formation préalable aux nouveaux programmes. Tout en méprisant le privé, les fonctionnaires - pas si fous ! – se déclarent prêts en majorité, comme 65 % des français, à mettre leurs enfants dans les écoles privées plutôt que publiques. Car, dans tous les domaines, l’initiative privée triomphe, même quand il s’agit d’adoucir l’enseignement pensé par ou pour des fonctionnaires...

Enfin, il est frappant de constater que l’essentiel des connaissances indispensables à la vie en entreprise – et en société ! - est soigneusement ignoré de l’Education National. Elle n’enseigne pas la coopération, l’esprit d’équipe, la liberté d'expression, le développement de la créativité et des centres d'intérêt, elle n’incite pas aux expériences personnelles. J’ajouterai que les bases de l’économie de terrain elles-mêmes sont exclues du cursus alors qu’elles sont vitales pour l’entrée dans la vie active des élèves. Les professeurs n’ont aucune expérience du terrain et de l’entreprise et ne peuvent donc les enseigner, pour peu qu’ils le veuillent... Peter Gumbel dit même que "les étudiants français sont les plus isolés du monde". Regardez les nombreux films et téléfilms américains ayant pour siège l’université. On y voit des élèves entourés de copains et de copines, avec qui ils travaillent souvent ensemble en dehors des cours, avec qui ils font du sport et montent des projets en équipe qu’ils ont imaginés en commun. Les innombrables métiers qui constituent le tissu vivant de la France ne sont pas décrits aux élèves alors qu’en 12 ans d’enseignement primaire et secondaire, ils devraient finir par les connaître tous. Il y a les métiers qui disparaissent, les métiers sursaturés et ceux qui apparaissent. Comment des enfants vont-ils faire pour choisir leur voie puisqu’on le leur impose avant le Bac afin de s’introduire dans la bonne filière ! Trop nombreux sont ceux qui, comme moi, arrivent à 20 ans sans avoir d’idée sur le job qui leur plairait. Alors, nombreux sont ceux qui choisissent une profession proche de celles de parents. Par exemple fonctionnaires quand les parents sont fonctionnaires…

Pour l’Education Nationale, nos enfants sont des objets. Des objets, ça se manipule. Ça ne se répare pas, ça se remplace. On n’éprouve pas de sentiment pour eux, on ne se met jamais à leur place. Si ce sont des êtres sensibles, c'est-à-dire intelligents, ils souffrent mais on s’en fiche. Si ce sont des êtres malléables et sans défense, on les entasse dans le moule en les endommageant définitivement « pour leur bien »... et on en fait des paumés. L’Education Nationale n’a aucune affection, aucune tendresse pour nos têtes blondes, or, l’affection est absolument nécessaire à l’équilibre d’un enfant, équilibre dont il se servira une fois adulte pour faire son chemin dans la société en minimisant la souffrance.

De ce tableau idyllique de l’école à la française, on ne peut tirer qu’une seule conclusion : l’élève qui se sent bien dans ce piège à rats n’est pas normal, celui qui y réussit non plus. Il ignore tout des règles de vie en société car, à force de bachoter, il n’a jamais travaillé que tout seul sur des feuilles blanches, il a appris à mémoriser sans discernement les matières les plus inutiles, il n’a pas pris le temps de vivre, de draguer, d’aimer, de faire des bêtises ou d’organiser des soirées entre amis, d’entreprendre quelque chose qui fonctionne dans le monde réel. C’est cela le lot des hauts-fonctionnaires… Nous allons maintenant le constater scientifiquement.

Dans ce qui suit, je décortique une remarquable étude : La psychologie des hauts fonctionnaires de Marie-Christine Kessler, du CNRS (Presses universitaires de France, 1985). Elle est remarquable car elle montre l'homogénéité psychologique de l'ensemble des hauts fonctionnaires et, partant, du monde des fonctionnaires sous leurs ordres. Elle est d’une sincérité inhabituelle de la part d'un auteur lui-même fonctionnaire. L'étude ne montre ni pitié ni indulgence envers les personnes étudiées.

L'étude de Marie-Christine Kessler dévoile cet aspect essentiel de leur personnalité : les hauts fonctionnaires ne sont pas devenus patrons par leurs mérites et leur expérience, ils le sont devenus par leur niveau d'étude, souvent poussés par des parents eux-mêmes fonctionnaires : " La majorité d’entre eux provient de familles de traditions administratives". Ce sont des 1ers de classe qui, par leurs bons résultats scolaires constants, ont été naturellement poussés par les profs vers des études de plus en plus longues. Cette inflation d'études est communes aux fonctionnaires de tous niveaux : ils ont en général 2 ans 1/2 d’études de plus que le privé ! MC Kessler fait cette vision pénétrante de l'Education Nationale : " Le système éducatif français est une machine très automatisée d'élimination par l’échec. A contrario, les éléments brillants qui surmontent les obstacles successifs se retrouvent sans avoir réfléchi aspirés par les filières les plus prestigieuses: classes préparatoires, grandes écoles. Il n’y a pas de mise en valeur véritable des vocations, des gouts particuliers. La volonté des individus n’est stimulée que par les concours. Ceci explique que les lauréats ne se sentent pas réellement responsables de leur destin. De surcroit, ils acquièrent dans cette course d’obstacles le gout de la compétition pour la compétition, du travail pour le travail, une croyance très ferme dans les vertus de la sélection."

Finalement, ces jeunes entrent dans l’administration sans jamais s’être posé la question de leur objectif dans la vie (réelle). Ils ont simplement suivi leurs études jusqu’au bout. Reprenons l’étude de MC Kessler : Ces hommes et ces femmes se présentent le plus souvent comme extérieurs aux choix fondamentaux qui les ont concernés : ils n'hésitent pas à dire qu'ils n’ont pas dirigé leur vie (...) Le paradoxe est encore plus grand lorsque nos interviewés affirment qu'ils se sont retrouvés clans une grande école administrative malgré eux (...) Soit qu'ils aient fait l’Ecole Polytechnique, Sciences Po, ou l’ENA, ou le concours de la Magistrature (...) Par la suite, le haut fonctionnaire aime invoquer le hasard comme ressort principal de sa carrière".

Voilà donc l’élite qui dirige nos administrations et l’ensemble de nos institutions… Des gens qui se retrouvent là, malgré eux, sans être préparés au pouvoir qu’on leur donne, des paumés…


Vous avez sûrement entendu citer la fameuse formule de Georgina Dufoix, quand elle fut jugée coresponsable, en tant que ministre des Affaires Sociales et de la Solidarité Nationale, de l'affaire du sang contaminé qui fit des milliers de victimes : " je suis responsable, mais pas coupable !" Cette formule est ensuite apparue comme la devise du haut-fonctionnaire, prêt à toutes les conneries possibles. Mais, attention, sans que jamais il n’en porte la responsabilité…

"Le système des grandes écoles administratives permet aux nouveaux fonctionnaires de débuter à un niveau de responsabilité élevée qui les satisfait et les remplit d’importance". En effet, exclusivement préoccupé de leurs concours et chères études, ils n’ont jamais eu la moindre responsabilité. Ce pouvoir soudain qui leur est soudain accordé ne peut que les remplir d’importance. Oui, mais... du coup, ils arrivent complètement puceaux : ils n'ont pas fait leur classe en entreprise, ils ignorent tout du terrain, ils ne savent pas ce que leurs subalternes savent, il ne s'agit plus de réciter par cœur. Dès qu'il faut prendre une décision, c'est la panique : " la sensation même du pouvoir cause un certain vertige." Ces hommes et ces femmes sont bombardés d'un coup directeurs de haut niveau dans des entreprises publiques ou étroitement liées au public (Cnet, Total, Bull, Inria, Sema, Steria etc.). Là, ils doivent diriger des centaines d'ingénieurs, de techniciens et de commerciaux qui en savent plus qu'eux sur les bonnes décisions à prendre. " La peur accompagne la nouveauté (...) beaucoup d'interviewés font état de refus multiples de leur part devant une promotion et une perspective de mobilité: les autorités politiques et administratives ont du s'y reprendre à plusieurs fois pour les convaincre d’accepter de nouvelles responsabilités. Cette excessive modestie ne semble pas feinte. Elle est l'expression d’une anxiété. (...) Les directeurs du personnel signalent souvent la charge morale accablante que représente la gestion des carrières et des destins des hommes. Le remède choisi de préférence pour soigner cette mauvaise conscience est le travail. S’épuiser à la tâche est une justification aux yeux d’autrui."  En somme, le haut fonctionnaire se sent dépassé par ses responsabilités et se voile la face en s'abrutissant de "travail", espérant ainsi retrouver l’estime de ceux qui l'entourent.

L’autiste est un asocial, un solitaire, dépourvu de sens moral, peu doué pour la communication car il n’a pas d’empathie : il ne comprend pas comment les autres fonctionnent. A propos, on parle souvent d’ « autisme du gouvernement »… Ses centres d’intérêt sont restreints. Comme il se focalise dessus, sa mémoire paraît phénoménale dans ces domaines …et nulle dans les autres.

En ce qui concerne la mémoire phénoménale, c’est bien la marque des hauts fonctionnaires qui, depuis les petites classes, ont su enregistrer les matières enseignées avec tant de facilité qu’ils ont toujours été en tête de classe. On les appelle des « bêtes à concours ». Plus ils montent en scolarité, plus ils arrivent à s’adapter au volume de plus en plus important à mémoriser alors que les autres rament. Ils rament car ils ont d’autres sujets de préoccupation à mémoriser : l’apprentissage de la vie en société, l’autonomie, les copains, les filles, les jeux, les distractions de toutes sortes, etc. L’élève futur haut-fonctionnaire enregistre tout ce qu’on lui enseigne avec facilité, mais surtout les matières « fermées », celles qui demandent de la mémoire et peu d’intelligence, les maths, la physique (telle qu’elle est enseignée) et la chimie entre autres. En Français et philo, il est faible car ce sont des matières orientées communication et psychologie, donc intelligence son point faible. Les polytechniciens, entre autres, sont réputés pour leur étonnante mémoire. Commpe le remarque Mme Kessler, la marque du haut-fonctionnaire, c’est "la satisfaction trouvée dans la compétition couronnée de succès qui a marqué le parcours scolaire, le passage par les Grandes Ecoles. Faire plus et mieux que les autres, s'imposer dans une course d'obstacles est une sensation grisante pour nos interviewés. Les Polytechniciens sont particulièrement friands de réussites aux examens et aux concours." Pour les gens sains, cette griserie est puérile à côté des griseries offertes par l’existence. La vie humaine n’est pas un combat solitaire devant une page blanche, c’est le plaisir de la vie en société et de la coopération. Les enfants vont à l’école en se réjouissant de voir les copains, pas en se disant qu’ils vont s’acharner à avoir de meilleure notes que les autres...

Le haut fonctionnaire est un asocial car, pour lui, le monde extérieur est un monde de requins. L'administration est sa matrice, son cocon protecteur contre la réalité, cocon où il se retrouve entre copains partageant les mêmes craintes. D’ailleurs il sait que, de toute sa vie, jamais il ne quittera ce cocon ! " Les paroles entendues révèlent un rapport affectif très fort avec l’Administration, perçue comme une entité familiale (...) (Les interviewés) sont relativement peu ouverts sur le monde extérieur comme le montre leur réticence à l'égard du secteur privé et leur grande intégration au milieu environnant pour lequel ils expriment une véritable affection. (...) Si les directeurs dans leur ensemble s'épanouissent si allégrement dans le milieu administratif, n’est-ce pas parce qu’ils y trouvent de profondes satisfactions personnelles ? Ces satisfactions s’analysent en termes du pouvoir. Le gout du pouvoir se manifeste tout d'abord par la satisfaction trouvée dans la compétition couronnée de succès qui a marqué le parcours scolaire, le passage par les Grandes Ecoles. "

Bien que l’administration soit son nid douillet, l’expérience montre qu’il est incapable de travailler en harmonie avec ses collègues et il le pollue par une guéguerre interne permanente. Comme me le disait un de mes amis qui a travaillé des années comme consultant (privé) en communication pour les administrations : « le fonctionnaire occupe le tiers de son temps à dévaloriser le travail des autres, l’autre tiers à se défendre de la dévalorisation de son travail par les autres …et le dernier à tenter de travailler. » C’est la marque d’asociaux. Cette mauvaise ambiance interne est connue de tous ceux qui ont approché professionnellement les administrations. Elle le fait souffrir mais c’est plus fort que lui… La seule façon de s’en sortir pour lui et ses collègues consiste à trouver des boucs émissaires à l’extérieur… Et ils en trouvent ! Moi, entre autres… Tous les Français en général, le privé en particulier. Contre ces adversaires, trop faibles pour leur faire mal car ils ne disposent pas du pouvoir de l’Etat, ces gens recouvrent une unité et une confraternité éphémères bien agréable et se régalent dans l’oppression. Eux qui ont une mentalité d’opprimés, on devine leur volupté… C’est là le point de départ de la théorie du Désir Mimétique, dont je vais parler plus loin.

Pour insister encore sur son asociabilité, notons que le haut fonctionnaire, qui n'a rien connu d'autre que les écoles et les administrations, a cependant une opinion bien arrêtée sur le monde extérieur aux administrations : "Les mêmes réticences existent vis-à-vis des entreprises privées. Une très grande majorité des personnes interviewées en parlent même avec répugnance: les idées d'argent, de profit et de commerce sont étrangères à leur philosophie (...) Ceux qui semblent les plus intransigeants sont sans doute les fonctionnaires les plus traditionnels, comme les fonctionnaires les plus politisés et surtout les plus engagés à gauche (...) Un départ postérieur vers le privé est ressenti comme un déchirement ("ma vie serait finie"), ou un reniement aussi lourd de significations que l'abandon d'une vocation religieuse." Le privé est même méprisé : "Tous les produits et objets possibles [donc fabriqués dans le privé] sont ainsi évoqués sur le mode dérisoire. Nos interviewés prennent soin d'ajouter qu'ils ne méprisent pas ces activités nécessaires au pays, mais il n'y a guère d'entretien où la charge implicite d'ironie n'est pas présente : "La vie, c'est quand même autre chose que de vendre du savon ! "". Rappelez-vous mes multiples expériences avec l'université (voir 1ère partie), l’absence de contacts et l'impossibilité de collaboration avec elle en dépit de tous mes efforts, le mépris insultant de l'association universitaire AFIA suite à mon article dans Science et Vie et surtout - surtout ! - l'extraordinaire mépris de ces jeunes étudiants bretons en Intelligence Artificielle envers mon expérience privée. Le "mépris" : le mot-clé de la relation entre les élèves préférés de l'Education Nationale, qui « savent tout » et le privé, ignorant tout et juste capable de « vendre des savonnettes »...

Enfin, comme l’autiste, le haut-fonctionnaire est dépourvu de sens moral : il n’a "pas d'état d'âme : sur l'ensemble des personnalités interrogées, à peine cinq ou six semblent s'être réellement interrogées avec inquiétude sur les problèmes de déontologie du fonctionnaire. Du fonctionnaire qui doit exécuter des décisions contraire à sa morale (...) Dans la grande majorité des cas, les hauts fonctionnaires tentent d'éviter de se poser trop directement ces questions délicates".

Le schizophrène est un individu qui refuse de voir la réalité et se crée son propre monde. Son esprit est coupé en deux, il est le siège de conflits entre son Moi et le monde réel qui n’est pas accepté. Evidemment, il en souffre. Puisque le fonctionnaire a choisi d'entrer dans l'administration comme on entre en religion, c'est-à-dire pour la vie, il se trouve toute sa vie face à de gros problèmes : il est tenu d’exécuter les ordres qu’on lui donnera, qu’ils soient de droite comme de gauche, contraires à son sens moral ou non, injustes ou non, et cela pendant des dizaines d’années ! "L’engagement à vie dans la Fonction Publique, logique dans le système administratif français, ne peut aller sans l'acceptation de l’idée de servir tous les dirigeants successifs." Alors, élève studieux comme toujours, le haut fonctionnaire demeure imperturbable dans son irresponsabilité : il appliquera la politique demandée sans état d'âme. " La réponse est parfois d’une simplicité pathétique : "je serais toujours d'accord pour faire une politique avec laquelle je ne suis pas d'accord" s'est exclamé un directeur (…)".

« Je serai toujours d’accord pour faire une politique avec laquelle je ne suis pas d’accord » ! « A peine cinq ou six semblent s'être réellement interrogés avec inquiétude sur les problèmes de déontologie du fonctionnaire qui doit exécuter des décisions contraire à sa morale », « les hauts fonctionnaires tentent d'éviter de se poser trop directement ces questions délicates »… Toute leur vie, ces gens qui détiennent le pouvoir de nous faire du bien se voilent la face pour éviter de regarder le monde tel qu’il est. Ce faisant, ils deviennent  les relais consentants de la corruption politique, ils exécutent une chose sous la gauche et son contraire sous la droite « sans état d’âme ». Cette attitude qui contribue à les rendre un peu dingues me rappelle l’huissier qui m’a fait expulser de mon domicile. Comme je lui demandais s’il se rendait compte que c’était la corruption de juges qui me faisait expulser, il me répondit : « Si je réfléchissais à ce que je fais, je me suiciderais ! Donc, j’ai cessé de réfléchir. Ne comptez pas sur moi pour vous aider. Et puis, il faut bien des huissiers ! » Ce qu’il oubliait de dire, c’est qu’il avait choisi ce métier. Combien de Français accepteraient d’exercer une profession dans laquelle on occupe ses journées à faire le malheur des (petites) gens sur ordre d’un système glacé et trop souvent injuste, sans aucune possibilité de refuser ? Dans quel état rentreraient-ils le soir à la maison ? Celui qui choisit ce métier pour la vie est un asocial. Il aura beau dire, cela n’excuse pas qu’il l’ait choisi de préférence à tout autre, au point d’en acheter la charge qui est « d’un coût élevé ». C’est un individu qui a une revanche à prendre contre la société et on peut en remercier ses parents… On peut sourire de cette profession de foi « la main sur le cœur » d’un site web dédié à leur formation : « Le principal intérêt de cette profession est de pouvoir servir de conciliateur et de conseiller auprès de personnes ayant des problèmes qui sont du ressort de la justice ». En effet, d’abord c’est le rôle de l’avocat et des services sociaux. Ensuite, l’huissier reconnaît lui-même qu’il n’a aucun pouvoir de s’opposer à une décision de « justice ». Enfin, en ce qui concerne celui qui m’a expulsé, jamais je ne l’ai rencontré avant mon expulsion ! Difficile dans ce cas de croire qu’il puisse me conseiller.

1.3.5     Cas particulier du polytechnicien, issu de la tyrannie des maths


Pour mieux enfoncer le clou sur la parfaite inadaptation du haut-fonctionnaire à ses « hautes fonctions » et sur ses conséquences gravissimes sur le fonctionnement de notre système, voici quelques anecdotes sur mon expérience personnelle du summum du haut-fonctionnaire : le polytechnicien français (ou « X »). En France, comme dans le monde, c’est le prototype de la bête à concours et de la mémoire vertigineuse. Les polytechniciens savent tout, mais rien d'autre" disait Clémenceau. Et c’est toujours vrai un siècle plus tard…. L’X est un super-ingénieur militaire, son école étant placée sous la tutelle du ministère de la défense. Ses études à peine terminées, il se retrouve bombardé patron d’une grande administration ou d’un département d’entreprise publique. Cette responsabilité lui est parfaitement étrangère, d’autant plus que c’est encore un gamin (autour de 27 ans, parfois moins…). Il est ingénieur, pas manager, pourtant quasiment jamais on ne lui donnera un rôle d’ingénieur. Il est très mal à l’aise dans son nouveau costard trop large taillé pour quelqu’un d’autre. C’est ça, le « système « français…

Les épreuves qu’il doit franchir pour entrer à Polytechnique sont surhumaines, avec un véritable acharnement côté apprentissage des mathématiques complexes. J’en sais quelque chose, car en préparant HEC en 1967 je côtoyais dans mon lycée des étudiants Maths Sup et Maths Spé, les deux niveaux de préparation nécessaires pour se présenter au concours de Polytechnique. Je leur avais montré l’ahurissant niveau de maths qu’on m’imposait pour avoir le droit de faire une carrière commerciale, maths auxquelles je ne comprenais rien …et ne voulais rien comprendre. Très étonnés, ils me répondirent que ces maths étaient du niveau de maths sup et parfois au-dessus ! Mais que, eux, au moins, ils  étaient à la hauteur pour les assimiler puisque c’était leur spécialité. A l’époque, je pestais contre cette absurdité consistant à filtrer des commerciaux par leurs connaissances en mathématiques qu’ils n’utiliseraient jamais. En devenant par la suite ingénieur moi-même, en produisant mes recherches pendant 20 ans, j’ai pu me rendre compte que cette tyrannie des maths bien franco-française n’a aucune utilité pour personne même pour les ingénieurs et les architectes, toujours en train de calculer. D’abord parce qu’il est rarissime au cours d’une vie de se trouver confronté à un calcul réclamant autre chose que les 4 opérations (+ - x /), ensuite parce que nous disposons depuis longtemps des outils nous permettant de calculer rapidement, sans erreur et sans formation : la règle à calcul quand j’étais jeune, puis la calculette de poche, l’ordinateur et enfin le téléphone portable. Le seul calcul « complexe » qu’un humain doit savoir faire de tête ou sur papier, c’est la règle de trois, laquelle exploite les 4 opérations. Et elle n’est pas toujours facile à appréhender…

Certains amoureux des maths prétendent qu’elles sont nécessaires car elles forgent à la logique. C’est complètement faux. La logique, c’est mon domaine et j’ai eu amplement l’occasion de constater que les fanas de maths sont les moins aptes à la logique, ceux qui comprennent le plus mal ce qu’on leur dit (avec les informaticiens…), le pire étant le polytechnicien qui prétend avoir compris mais démontre le contraire par la suite. Les mathématiques sont un art essentiellement de mémoire, où pour résoudre un problème il faut faire défiler dans sa tête de nombreuses formules avant de trouver la bonne. C’est faute de logique qu’en maths on n’explique pas, on démontre… Or l’explication, justement, « démontre » l’existence d’une logique. Le royaume de la logique c’est le langage, donc l’ensemble des matières tournées vers la communication. Car l’articulation des mots doit être claire pour tous, le message doit être compris de tous, donc obéir à la même logique universelle. La logique, c’est aussi le domaine des idées et de l’invention, qui demandent la simulation du réel dans sa tête, impossible sans raisonnement, donc sans logique. CQFD… Chez un être logique, « ce qui se conçoit bien s’énonce clairement et les mots pour le dire arrivent aisément ».

La spécialité des polytechniciens, leur plus, c’est leur mémoire extraordinaire. Ce sont des sortes de machines qui savent mémoriser tellement de choses, parfois des pages entières d’un coup d’œil, que cela stupéfie leur entourage. Leurs défauts, c’est que ce ne sont pas des gens très habiles dans la communication et dans leurs contacts avec les autres. On se demande parfois s’ils sont capables de sentiments ou d’empathie. Quand ils font souffrir, ils ne s’en rendent pas compte. Ils aiment s’isoler des autres. Eh bien… ce que je viens de décrire, ce sont les symptômes de l’autisme.

Mon expérience personnelle m’a confirmé le côté autiste de l’X. De 1982 à 1985, je fus directeur commercial d’une société de services informatique parisienne de haut niveau, dirigée par deux X, le PDG et le directeur technique. Le patron connaissait mon frère et me considéra d’emblée comme un ami. Il était sympathique et avait de l’humour. Par la suite, je découvris peu à peu ses limites : il ignorait tout de la gestion d’une société mais ne semblait pas s’en rendre compte, il était incapable de prendre une décision importante dont il avait pourtant reconnu l’intérêt la veille et, plus étonnant dans une petite société, il passait son temps enfermé dans son bureau. Vous vous dites peut-être : ok, mais il ne pouvait pas être si nul, il était quand même patron, il avait bien réussi à démarrer une entreprise, à faire des affaires et à embaucher du personnel ! Eh bien, pas tout à fait. Sa société, il ne l’avait pas créée... Incroyable mais vrai. Elle était le résultat de la scission d’une précédente entreprise créée par deux copains qui, eux, étaient compétents et d’excellents commerciaux. Ils l’avaient pris comme associé pour ses relations avec les polytechniciens et, donc, pour faire des affaires avec les administrations. Un jour, il s’était fâché avec eux et ils l’avaient laissé partir avec le tiers de la société. Voilà comment il s’était retrouvé patron. C’est alors qu’il m’embaucha… Ce fut une lune de miel entre nous pendant exactement un an. Nous nous complétions à merveille, il m’aimait bien, il jugeait mon action excellente, j’étais ravi. La société était en pleine expansion, nous embauchions sans arrêt. Mais, du coup, la gestion de nos ingénieurs devint de plus en plus complexe. Ils travaillaient parfois chez plusieurs clients à la fois et on les avait déjà « vendus » à d’autres, escomptant qu’ils seraient libres à la date prévue. Bien entendu, les prévisions tenaient rarement la route, les ingénieurs étaient prêtés en retard et il y avait de plus ne plus de clients mécontents. Soucieux d’améliorer les choses, j’avais suggéré au directeur technique de bâtir un planning des missions de nos ingénieurs pour mieux prévoir leur emploi du temps. Il était parfaitement d’accord mais, hélas, notre patron s’y refusait m’apprit-il. C’est pourtant le B-A BA de l’entreprise d’ingénieurs. Profitant de ma cote et de l’amitié qui me liait au PDG, je demandai à le voir. Dans son bureau, en compagnie du directeur technique (X comme lui), je lui ai demandé l’autorisation de tenir ce planning. Il fut instantanément furieux, s’y opposant fermement ! Mais nos arguments étaient très forts : la survie de la société était en jeu, nous ne pouvions mécontenter la majeure partie de nos clients. De guerre lasse, il finit par nous jeter hors de son bureau, nous ses deux amis, avec mission de construire un planning, « pour voir ». Ce que nous fîmes rapidement sur paper board. Il le regarda, le trouva parfaitement inutile et, plein d’une colère froide, nous interdit d’y penser désormais. Le lendemain, il me convoqua dans son bureau et il me demanda de quitter la société dès que possible ! Sans explication (encore une fois…). Pour me défendre, je lui soulignai que j’étais devenu un animateur essentiel de son entreprise, que mon propre chiffre d’affaires croissait sans cesse dans un secteur nouveau très prometteur : l’Intelligence Artificielle, et que sans moi il aurait des difficultés. Il ne voulut même pas discuter.

Je mis deux ans à partir, espérant qu’avec le temps il reviendrait à de meilleures dispositions. Pendant ces deux ans il me détesta sans discontinuer, en dépit de tous mes efforts pour lui plaire et surtout de mon chiffre d’affaires en croissance exponentielle ! Comme il ne voulait plus suivre mes conseils, il se mit à commettre un nombre de bêtises considérables qui mirent sa société en péril. Déjà, il ne tenait pas de planning alors que nous doublions quasiment le personnel chaque année… Ensuite, je lui avais soumis l’idée de commercialiser notre produit-phare en Intelligence Artificielle (un langage « Prolog ») aux Etats-Unis, où le marché était énorme et réceptif. Il me répondit agressivement que c’était complètement idiot et beaucoup trop cher. Puis il s’y rendit… Il alla exposer le produit à un grand salon international en Floride avec son adjoint X …sans moi, son directeur commercial. Ce fut un fiasco ruineux. Il était de nature incapable de convaincre qui que ce soit, et il fallait en plus le faire en anglais, langue qu’il possédait mal. Autre exemple : je l’avais convaincu de présenter notre société et ses produits à la presse parisienne et nationale, afin de nous faire connaître et faire progresser les ventes. Il le fit …sans moi. Du coup, les journalistes ne comprirent rien à ses propos abscons, au point de l’avouer dans leurs articles ! Il me montra les journaux, écœuré, sans en tirer la moindre leçon. Quand je pense à la facilité de mes contacts par la suite avec les journalistes dans ma propre entreprise, à la pub gratuite qu’ils m’ont faite, je mesure mieux ses déficiences... Quand je partis enfin, ce fut pour créer ma 1ère entreprise, Arcane. L’année suivante, j’appris que sa société faisait 1 million F de perte ! L’année d’après, elle était en cessation de paiement… Il fut contraint de la céder à un repreneur, sans rien gagner. Celui-ci le garda à un poste subalterne hors de sa société « pour lui faire plaisir ». Il me raconta cet échec au téléphone, très simplement, sans sembler se rendre compte un instant qu’il avait récolté ce qu’il avait semé, ni qu’il se confiait à un homme qu’il avait poursuivi à tort de sa haine pendant deux ans, avec une humilité naïve. Il m’avoua être surtout déçu car le repreneur ne lui avait pas confié de poste plus important… Chez cet homme intelligent, toutes les dérives autistes étaient réunies : incapable de réelle amitié, de se remettre en question, de s’adapter aux nécessités de la gestion d’une entreprise, de se faire aider (car pour lui c’est un aveu de faiblesse), refus d’accéder aux idées des autres et de les mettre en application, absence de la psychologie de base qui évite de se fâcher sans prendre quelques secondes de réflexion, déséquilibre du comportement qui l’amène à maintenir pendant deux une mauvaise décision sans jamais se calmer et écouter la voie de la raison ni de ceux qui lui disent qu’il fait fausse route, stupidité générale face au spectacle de sa société en train de se casser la figure alors qu’on lui a seriné la solution, incompréhension face à l’échec, incapacité d’en tirer des leçons, mélange d’ego exacerbé et d’humilité. Vous me direz peut-être que tout le monde peut commettre de telles erreurs dans la vie, mais pas toutes à la fois, d’abord ! Et ensuite, chez les gens normaux, cela ne va pas jusqu’à placer son ego au-dessus du projet de sa vie…

Lui et son adjoint ne furent pas les seuls X que j’ai côtoyés. En sa compagnie, j’ai prospecté nombre de hauts directeurs d’administrations en Bretagne (Dcan, Cnet, Celar, Inria, Ccett, Ifremer, etc.). Il était breton et aimait revenir dans son pays. Bien entendu, tous ces personnages étaient des X. Je n’ai jamais vu de ma vie une pareille collection d’individus, m’inspirant autant pitié… Vissés derrière leur bureau princier, ils n’avaient rien à dire, pas de projets, leur bureau était vide de papiers, ils étaient inexpressifs et laids (l’un d’eux, la cinquantaine, avait même le visage boutonneux et purulent d’un ado !), ils semblaient stressés. Nous ne fîmes d’ailleurs pas la moindre affaire avec eux. Mon patron, lui-même étonné de ce spectacle, me disait en riant qu’il était le seul polytechnicien normal. Erreur…

Je me rappelle également mon premier polytechnicien. C’était en 1973. Je venais de terminer mon service militaire et j’étais, jeune embauché, en train de préparer le stand de ma société, la Compagnie Honeywell Bull, pour le salon du Sicob qui allait ouvrir le lendemain. Soudain, mon patron me chuchote : « Attention ! Il y a un big boss sur le plateau ! » Je me retourne et voit en effet un homme maigre d’une trentaine d’années, tout seul debout au milieu du stand, l’air paumé, ne jetant pas un regard dans notre direction. « C’est un polytechnicien ! » ajoute le patron impressionné, « le 2ème niveau de la hiérarchie, juste sous le PDG ! » Du coup, je regarde mieux cet oiseau rare, pour savoir à quoi ça ressemble un grand patron. Pendant toute la durée de notre conciliabule, l’oiseau rare n’a pas bougé. Il demeure là, sans un mot, inconscient de notre présence alors que nous sommes à quelques mètres de lui en train de le regarder. Je le scrute avec attention : il est hagard, désespéré et laid ! Il a l’air de vivre une question existentielle dramatique à laquelle personne ne peut répondre. Mon patron le hèle poliment et il finit par venir nous rejoindre. Il répond à nos saluts, inaccessible. Avec effort, nous regardant à peine, il prononce quelques mots pour nous dire qu’il a été envoyé là pour superviser l’installation du stand mais qu’il ne trouve rien à redire. Puis, sans nous jeter un regard, sans que nous ayons eu le temps de parler boulot, il s’en va… Ce grand patron me fascine. Il a l’air d’avoir des soucis d’un ordre tel que, nous, pauvres petits cadres, nous ne pouvons rien comprendre. Un peu jaloux, je me dis que jamais je ne pourrai avoir, à son âge, cette distance face aux autres, cette supériorité apparente. Je me console en me disant que, vu son air désespéré, si c’est ça le plaisir d’être patron, je ne suis pas prêt d’en briguer le poste !

Aujourd’hui, après avoir connu bien des patrons et l’être devenu moi-même, après avoir connu bien des X comme lui, son attitude s’explique parfaitement sans avoir recours à aucune supériorité. Mettez-vous à sa place : ce jeune, à peine promu de l’X, s’est vu bombardé grand patron d’une division de ma compagnie. Déjà, pour lui, c’est la crise. Tout le monde lui demande des choses et une intelligence dont il est incapable. Il commence à souffrir… Puis, on lui demande de superviser l’installation de notre stand, donc de contrôler un outil sophistiqué de vente – notre stand - dans un temple de la vente de haut niveau : le SICOB (grand salon de l’informatique de l’époque). Or, c’était un jeune sans aucune expérience, un ingénieur, sans aucune connaissance commerciale, qui plus est méprisant sûrement comme tous ses semblables les vendeurs « de savonnettes », se trouvant subitement plongé tout seul parmi eux ! En situation d’infériorité intolérable, en somme…  D’où ce désarroi brut, primaire, de l’autiste… Il ne pouvait même pas nous regarder…

L’autiste est un asocial, souvent doté d’une mémoire phénoménale. Voici quelques extraits d'un article scientifique de Laurent Mottron : " Les autistes mémorisent ce qu'ils ont perçu sans le modifier". Ce sont des sortes d'ordinateurs, leur cerveau se préoccupe moins que les autres de la signification profonde, de la charge émotionnelle et sociale de l'information, de l'ensemble des répercussions ultérieures possibles. En somme, de tout ce qui est nécessaire à une vie affective équilibrée. Du coup, leur faculté de mémorisation se disperse moins et devient plus efficace dans certains domaines précis. " Le 14 mars 2004, la Société britannique d'épilepsie a tenu une séance exceptionnelle au musée d'Histoire des sciences d'Oxford. En ce jour du nombre pi (le 14 mars s'écrit 3.14 en anglais), elle a invité Daniel Tammet à réciter le plus grand nombre possible de décimales du célèbre nombre transcendant. Il mit 5 heures et 9 minutes pour en égrener 22 514 sans se tromper une seule fois. On pourrait l'envier d'avoir une telle mémoire, d'autant qu'il sait aussi multiplier mentalement des nombres à plusieurs chiffres, ou encore extraire des racines cubiques sans calculatrice. Et ce n'est pas tout : ce calculateur prodige est aussi un polyglotte prodige. Il parle dix langues, parmi lesquelles l'islandais dont il a appris les bases en seulement une semaine. Toutefois, Daniel Tammet est porteur du syndrome d'Asperger, une des formes de l'autisme.

Ce n'est pas un cas isolé. L'Américain Donny, également autiste, est quant à lui capable de donner le jour d'une date entre les années 400 et 3500 en moins d'une seconde. Marc Thioux, de l'université de Groningue, aux Pays-Bas, a montré que ses performances ne sont pas seulement dues à une rapidité de calcul de dates. Elles reposent beaucoup sur la mémorisation exceptionnelle des 14 calendriers différents (7 pour les années normales, 7 pour les années bissextiles).

L'Anglais Stephen Wilshire, dessinateur autiste talentueux, retient des quantités phénoménales de données tridimensionnelles. Il a dessiné le panorama circulaire de Tokyo, après ne l'avoir observé qu'une fois lors d'un tour d'hélicoptère de 30 minutes. QC, une musicienne prodige autiste que nous avons étudiée, peut mémoriser, dans leur tonalité d'origine, 20 secondes d'accords de piano, à raison de 10 notes par accord, après une seule audition.

L’Education Nationale, par sa série d’examens, de concours et d’écoles difficiles fondés sur la mémorisation à outrance, sélectionnent ces individus qui, sinon, n’auraient aucune responsabilité dans le civil…




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